Jubilé du 75e anniversaire

Source: Jules De Ghorain, président des Indépendants, discours du 75ème anniversaire

« Souvent, je me suis posé la question : lorsqu’un gille enlève son masque et qu’il essuie sa figure, sont-ce des larmes ou de la sueur qui viennent tremper le mouchoir blanc si précieusement appliqué. Derrière son masque, comment savoir si votre voisin sourit, pleure ou rêve… A moins que cela ne soit tout à la fois ! »

La société de chez Navir, au café de l’Univers, situé à l’endroit de l’ancien Cercle Catholique à la rue Saint-Jacques s’était dissoute et que les membres avaient rejoint un groupe installé aux Trois Portes sur la Grand Place. Mais cette bande était devenue trop nombreuse et s’éloignait trop du centre de la ville au gré de certains. Si bien qu’au lendemain du Carnaval 1923, un petit groupe sous l’impulsion de Fernand Navez et d’Omer Quinet se forma et le départ d’une nouvelle société prit corps parmi un groupe de voyageurs qui se retrouvèrent régulièrement chez Poty sur la place de la gare et décidèrent de fonder une société de gilles dont le nom serait Les Indépendants, pour manifester clairement leur intention de ne pas se laisser inféoder par un tenancier de café. Le groupe décida de ne pas avoir de local attitré. Ce qui reste le cas aujourd’hui.

Durant la première année, la société naissante n’avait pas voulu se choisir un président de suite. Le premier président en exercice fut donc Fernand Navez. Il n’a été choisi qu’au moment de la sortie de 1924. Fernand Navez fut président de 1924 à 1930.

Les Indépendants en 1998. © Archives de la Société.

C’est Jules Bardiau qui lui succéda et présida aux destinées du groupe durant 25 ans, jusque 1955. Ce fut donc un Président à la longue carrière et il fut à la fois efficace et estimé.

De 1955 à 1966, c’est Alfred de Stexhe qui fut élu pour le remplacer. Il fut aussi un Président remarquable et apprécié. C’est la maladie qui mit fin à son mandat. Au cours de celui-ci, il eut une sérieuse crise de recrutement à surmonter. Les Indépendants virent leurs effectifs diminuer dangereusement. En 1957, on ne comptait plus que 34 gilles au sein de la Société. Grâce à son impulsion, et avec l’appui de son comité, il parvint à recruter des jeunes, notamment chez les Paysans sortant du Collège. En 1962, on comptait à nouveau environ 90 membres. Et c’est Gilles Navez qui lui succéda et demeura Président jusque 1982, année où Jules Deghorain prit la relève.

Durant ces années, la société vécut des moments difficiles. Il y eut d’abord le départ d’une cagnotte de jeunes en 1972 pour former la Société des Incorruptibles.

Et ensuite, le 5 décembre 1979, une scission survint au sein de la Société. La rivalité entre les groupes était telle qu’il devenait impossible de poursuivre sans se séparer. A ce moment, les opposants créèrent la Société des Jeunes Indépendants. Les autres qui restèrent fidèles à leur Président et à leur société décidèrent, malgré leur petit nombre, de poursuivre et de relancer la Société. Nous étions alors un groupe de 17 grands gilles sans compter les enfants. Courageusement, et autour des membres fondateurs, Gilles Navez et Gabriel Jadot, le groupe s’étoffa à nouveau.

En 1997, c’est quelques 90 gilles qui participèrent au Carnaval. Le défi a été tenu. Les Indépendants ont survécu.

A son origine, la société des Indépendants s’était attachée les services de la batterie des « Mémés » comprenant notamment les deux frères Ursmar et Emile Graux. C’était une batterie de renom. Mais à l’époque les batteries étaient moins fournies qu’aujourd’hui. Il est intéressant de signaler qu’en 1927, la batterie ne comptait que quatre tambours pour un effectif de 72 gilles. Peu de sociétés – et de batteries ! – accepteraient de passer un carnaval dans de telles conditions aujourd’hui.

Les archives révèlent que Georges Birk, tamboureur de renom, a également prêté son concours à la Société des Indépendants.

Mais très vite ce sont les « Ptis Cos » qui assurèrent l’animation des Carnavals de la société. Tout le monde se souvient des Henri, René et Georges Hamaide, renforcés par Georget Hamaide, Emile Hamaide et Léon Bougard qui fut rejoint par ses fils Jean-Claude et Armand, notre actuel chef de Batterie.

C’est ainsi que Léon, Jean-Claude et Armand n’ont jamais joué à Binche pour d’autres Gilles que les Indépendants.

Amis partageant le même plaisir de faire le gille, les Indépendants, forment une curieuse société. Parce qu’Indépendants, ils se côtoient très peu en dehors de la période carnavalesque. Lorsqu’ils se retrouvent, ils reconquièrent les gestes et coutumes laissés en veilleuse au lendemain du dernier carnaval.

Etrange comportement qui s’explique par un partage profond de la même passion d’incarner ce personnage roi d’un jour, énigmatique pour plus d’un…