Gabriel Jadot, le « Lieutenant Souriant »

Source : Texte d’Hugues Deghorain en hommage à Gabriel Jadot suite à son décès.

Le 11 septembre 1999, un être d’exception nous disait au revoir. Gabriel Jadot, que beaucoup de Binchois connaissent sous son nom de scène, celle qu’il jouait chaque année le dimanche gras. Ce nom, c’est le lieutenant souriant. Gabriel avait 93 ans. 93 ans qu’il a bien rempli.

Gabriel Jadot, le « Lieutenant Souriant »

Gabriel, côté cour était négociant en tissu. Côté jardin, il avait une passion que peu de gens peut-être connaissent. Il était un colombophile averti. Il suffisait d’entrer dans sa demeure de la rue Halle au Filet pour se rendre compte de sa passion… les photos de pigeons et les trophées ornaient les murs de nombre de ses pièces. Mais une chose que les binchois ne peuvent ignorer, c’est le rôle qu’il jouait dans le film de sa vie. Celui d’officiant d’une cérémonie qui était sienne, celle du carnaval.

En 1923, il fut l’un des membres-fondateurs de la Société Royale « Les Indépendants » dont il restera l’un des piliers jusqu’en 1988, année de son dernier carnaval durant lequel il fêta sa 64ème participation. Ce fut la dernière fois qu’il vêtit le costume de gille mais il était gille dans l’âme. Son carnaval, il le vécut jusqu’à ces dernières heures.

Les compagnons de sa société s’en souviennent, Gabriel était un gille que l’on n’oublie pas. Il vous marque, il s’incruste dans vos souvenirs. Faute de pouvoir être exhaustif parce que les souvenirs peuvent aussi être personnels, en voici quelques-uns qui caractérisent Gabriel au sein de sa société… Il ne dérogeait jamais à la règle, les soumonces se faisaient avec classe… sous son sarrau, le costume cravate ! Le dimanche-gras, depuis je ne sais combien de temps, il portait toujours le même costume de Lieutenant Souriant. Son costume du dimanche au début, il le louait puis vint le jour où il l’acheta. Il est maintenant au musée du masque. Ce fut Gabriel qui, le premier, sortit le Dimanche-Gras au matin avec tambour et caisse alors que tous sortaient à la viole. Pour le trouver dans la société, il n’y avait pas de problème. «  D’gille dè caisse  » par excellence, il se situait toujours à gauche en regardant les tambours de face. Et son pas de polka reconnaissable entre mille faisait danser les tambours comme dans un rythme inversé. Son sourire toujours aux lèvres, il relançait la machine des gilles fatigués qui l’observaient avec respect. La rougeur de ses pommettes étaient sans nulle doute le reflet du bonheur intense qu’il vivait en martelant les pavés. Et cette aura qui l’entourait était communicative.

Je ne peux parler de lui en dehors de ce qu’il fut pour moi, c’est à dire un gille des Indépendants, mais par les discussions que j’ai pu avoir avec des binchois qui lui furent plus proches, je sais que Gabriel était quelqu’un aux qualités humaines très fortes qui ne laissent pas de marbre au point que les défauts se voient effacés.

Gabriel Jadot est à gauche sur cette carte postale de 1937.

Nous avons perdu un homme d’exception… mais il sera toujours présent dans nos souvenirs. Son sourire brillera toujours au son des tambours… Son pas cadencé et virevoltant allégera toujours le poids des plumes de nos chapeaux…