Il y aura toujours des « P’tis Cots » à Binche

Source : Paru dans le journal « L’Indépendance » de Charleroi le 1er trimestre 1965

nous dit Henri HAMAIDE qui joue du tambour depuis 53 ans et fait partie d’une batterie célèbre composée uniquement de membre d’une même famille.

Voici M. Henri Hamaide, son fils et son petit-fils qui font tous trois, partie de batterie réputée « Les P’tits Cots de Binche ».

Le carnaval de Binche approche à grands pas et dans quinze jours la cité du gille résonnera du grondement des tambours, grondement qui vous restera encore longtemps dans l’oreille après que vous aurez quitté la ville.

Nous sommes allés rendre visite à une batterie très réputée et célèbre du fait qu’elle se compose uniquement des membres d’une même famille, habitant le Faubourg Saint-Jacques.

C’est là dans une petite épicerie que nous avons bavardé gentiment avec M. Henri Hamaide qui nous a dit :

« Oui, Monsieur, personnellement j’en serai à mon 54e carnaval car je n’en ai jamais manqué un. Il en est de même des autres membres de la batterie car lorsqu’on rentre chez « Les P’tits Cots », c’est un peu comme si on entre au couvent, on en sort plus ».

Nous avons voulu savoir d’où venait le surnom de « P’tits Cots » et ce fut l’occasion pour M. Hamaide de nous raconter leur histoire.

« Il se trouve à l’Hospice de Binche, mon oncle Léon Beaumez, âgé de 85 ans, qui nous a tous appris à jouer. Quant à mon grand-père il « battait » les coqs, comme on dit, chez Antoine Beaumez, rue des Biseaux. Depuis on ne dit plus « Les Hamaide » car pour les Binchois et les habitants des communes environnantes nous sommes devenus « Les P’tits Cots ».

Et Henri Hamaide d’ajouter : « Mon frère René âgé de 66 ans, et moi-même (63 ans) sommes les seuls tamboureurs à Binche ayant déjà joué avant la guerre 14-18. Après la guerre, en 1921, vint s’ajouter à notre batterie Georges Hamaide, âgé de 61 ans. Il y avait encore Ephrem Hamaide mais ce dernier a dû cesser toute activité pour se consacrer à son commerce.

C’est pourquoi dans la batterie on trouve actuellement en plus des deux doyens : Georget Hamaide, 39 ans, fils d’Henri et le fils de ce dernier, également appelé Georget qui, âgé de 15 ans, est déjà une petite vedette dans la spécialité.

Puis nous trouvons encore les deux fils de Léon : Jean-Claude et Armand ».

Henri Hamaide nous fit remarquer ensuite que les « P’tits Cots » commençaient très jeunes à jouer du tambour. A peine sortis du berceau, ils manipulent déjà les baguettes et l’on ne craint pas de leur confier les instruments de travail.

Une dure école

« Oui nous sommes tous de la même école, une école très dure d’ailleurs, car nous sommes extrêmement sévères envers nos descendants et nous ne disons jamais à un enfant qu’il a bien joué. Dès l’âge de 7 ans, ils font partie de la batterie pour autant qu’ils le méritent. Nous ne les forçons pas cependant, non, car ils ont le tambour dans le sang, puisque cela vient de père en fils. Nous avons d’ailleurs un roulement assez spécial et ce qui a de particulier chez les « P’tits Cots » c’est qu’ils jouent aussi fort et aussi bien à 2 heures du matin, après une journée fatigante, que lors du départ ».

Au fait le métier de tamboureur n’est pas une sinécure. Il faut être en bonne santé pour faire danser les gilles.

« En effet, le dimanche gras, nous partons vers 9 h. du matin et nous rentrons à l’aube du lundi. C’est pourquoi nous ne jouons pas lors de la sortie matinale réservée à la jeunesse car nous tenons à être en bonne condition pour le mardi-gras. Ce jour-là nous quittons notre domicile vers 4 h. du matin pour aller chercher les gilles et en voilà jusqu’au lendemain à six heures du matin. Comptez cela fait quelque 26 heures de prestation ininterrompue ».

Une relique

Henri Hamaide décrocha ensuite un instrument accroché au mur de la cuisine et nous dit : « Voici mon tambour. Il appartenait à un soldat allemand tué lors de la guerre 1914. Lorsqu’on a déterré le musicien allemand, mon père (qui allait chercher des obus au fort de Boussu) a vu l’instrument qu’il a ramené à la maison. Il s’agit en quelque sorte d’une relique. Ça c’est un tambour, je n’en ai jamais trouvé de meilleur ailleurs. Regardez, le nom du soldat allemand y est encore gravé ».

Parmi les jeunes tamboureurs qui font partie de la batterie des « P’tits Cots » se trouve le petit Georget qui a déjà le doigté des vieux. Il deviendra un des plus forts tamboureurs de Binche. Son cousin Armand âgé de 12 ans est déjà sur le bon chemin aussi et lorsqu’il aura l’âge de Georget, il arrivera probablement à sa portée. Les jeunes ne sont pas payés. Ils le font pour apprendre leur métier et par passion. Comme nous le disait Henri Hamaide : « Ce sont de jeunes poulains que nous élevons, il n’y a pas que l’argent qui compte.

Lui-même lorsqu’il avait à peine sept ans, jouait déjà avec une viole. Car en ce temps-là la viole de Binche était accompagnée d’un tambour et d’une caisse, et les musiciens tiraient en remorque quelques 500 personnes.

Ainsi donc chaque fois que se déroule dans le Centre une soumonce ou un carnaval on peut rencontrer les « P’tits Cots ». Que ce soit à La Louvière, avec les gilles « Les Commerçants » ; à Binche avec « Les Indépendants » ; à Haine-St-Pierre avec « El binde à Anciaux » ; à St-Vaast, avec « Les Gais Rinlis », etc…

Et rien qu’au roulement de leur tambour on peut les reconnaître à distance.

Pourquoi ? Mais tout simplement parce qu’il existe dans cette batterie une certaine uniformité, habitués que sont ses membres à jouer ensemble dès leur jeune âge.

Et comme nous le répétait Henri Hamaide : « Nous ne sommes pas prêts à disparaître, car la relève est assurée. Nous les vieux, nous sommes tranquilles à ce sujet car notre belle batterie résonnera encore de longues années et fera danser encore des générations de gilles. Car tant qu’il y aura des gilles, il y aura des « P’tits Cots » à Binche.

A. ACOU.