La batterie des P’tits Cos

Source : Texte de Hugues Deghorain

 

C’est par les sons qu’ils font sortir de leurs instruments qu’ils parviennent à faire vibrer toute une ville. Par leurs « ra » et leurs « fla », par les roulements et les coups secs qu’ils imposent à leurs baguettes en les frappant sur la peau de leur tambours, les tamboureurs rythment la vie du gille. Ils font vibrer le cœur des rois de la fête. Ils soutiennent la musique de l’orchestre aussi. Leur musique séculière aux origines quelque peu préhistorique, c’est comme un élan d’enthousiasme qui porte tout un folklore à bout de bras. Et parmi les tambours, un homme écrase sa « maïoche » sur la grosse caisse soutenue par celui qui semble en faire partie intégrante, le porteur de caisse.

La batterie des P’tits Cos

Une batterie est en général composée de six tambours, d’un joueur et d’un porteur de caisse. Ce sont des musiciens passionnés qui ont appris à jouer entre amis, à l’école de tambour ou en étant pris en charge par un autre tamboureur expérimenté. Mais le plus important pour devenir un bon tamboureur, c’est d’aimer le folklore qu’il sert. Et cela est sans aucun doute plus facile lorsque l’on appartient à une famille de tamboureurs. Il y en a eu plusieurs à Binche dont certaines existent toujours. Ce sont par exemple les Brûlez, les Delporte, … ou les P’tits Cos.

Les P’tits Cos, il n’en reste plus qu’un : Armand Bougard. Mais jusqu’au Carnaval 1998, Léon était encore de la partie. Ils ont toujours joué pour la société des Indépendants. Léon a joué pendant 65 ans pour le Carnaval de Binche. Il fut chef de batterie. Tout comme son fils, Armand qui lui a succédé. Un rôle qu’il tient avec brio d’ailleurs. Un chef de batterie, ce n’est jamais qu’un tamboureur parmi d’autres mais son rôle est toutefois très important pour la bonne tenue d’une batterie. C’est en effet lui qui s’occupera de recruter pour rassembler une batterie au complet. C’est lui aussi qui se chargera des relations avec le comité de la société pour laquelle il joue.

La batterie des P’tits Cos au début des années ’60.

Pour être un bon tamboureur, sans nul doute, il faut aimer le carnaval, il faut aimer son instrument. Celui-ci, bien souvent, ils l’ont hérité de leur famille. Des tambours vieux de plusieurs générations qui donnent un son parfait. Les tambours ont évolué au fil des ans et les plus anciens sont les plus recherchés. La qualité à tendance à se perdre. Toutefois, quelques fabriquants tachent de la conserver. Ainsi, Jocelyn Lebon perpétue le métier que sa famille a entamé il y a de cela plusieurs générations. Avec l’évolution des tambours, les sons ont changés. Avant en peau de veau, les tambours donnaient un son plus gras. Les peaux synthétiques actuelles rendent quant à elle un son plus sec.

Mais dans l’un ou l’autre cas, l’ambiance qu’ils mettent s’accompagnent toujours d’un contact très proches avec les gilles. Il suffit pour s’en rendre compte de les observer le temps d’un « avant-dinner ». Vous verrez les regards pétillants se croiser, les clins d’œil s’échanger. Ces sourires viennent ajouter une dimension inexplicable à la force des roulements des baguettes. C’est sans doute cela aussi la magie qui fera dire aux gilles, alors que la batterie vient de s’arrêter devant le café :  « C’était une belle celle-là ! »